Crise des banlieues
Un article du Sgen-CFDT 93 et
des témoignages d'enseignants.
Clichy-sous-bois : ni rire, ni pleurer
mais comprendre...
Jeudi 27
Octobre 2005 à Clichy s/s Bois, deux jeunes sont morts électrocutés et un 3eme
est grièvement blessé. Ils auraient pu être, ils sont peut-être nos élèves.
Poursuivis ? Pas poursuivis ?
La
"Société du Spectacle" n’a pas laissé le temps de démêler le vrai du
faux... Dans des circonstances où il aurait fallu, tout en respectant le droit
à l’information, arrêter "le spectacle" pour ne pas mettre le feu aux
poudres ; la mort de jeunes gens dans une telle absurdité appelant
plus : silence, réflexion sur des solutions préventives encore possibles,
plutôt que roulements de tambours et vociférations !
On a,
hélas, assisté à une surenchère politico-démago-médiatique et dangereuse... De
toutes parts !
Les propos
musclés de N.Sarkozy, sans attendre de savoir ce qui s’était réellement passé,
D. de Villepin lui emboîtant le pas pour ne pas être en reste... Oubliant
l’intérêt général, on se marque à la culotte pour son "boulot de dans 2
ans"...
Et ça pète !
Parce
qu’en face, une minorité n’attend que ça, elle n’est pas représentative, mais
elle existe, elle a la haine, de quoi ? Elle ne sait pas trop. De ne pas
s’appeler Mr S. ?
Mais elle
l’a cette haine, elle a envie de montrer qu’elle existe... Elle s’attaque à
ceux qui portent secours " les pompiers", elle pouurrit
quotidiennement la vie de ses voisin-e-s... Raciste, sexiste, homophobe, elle
est néo-fasciste...
Au milieu de tout ça...
Pris dans
un feu croisé, les habitants de Clichys/s Bois qui voudraient bien vivre en
paix, leur existence n’étant déjà pas si rose, choqués par la mort de deux
jeunes se retrouvent en "Etat de Siège"...
Résultat
d’une relation duelle et sans tiers...
Voilà ce
qui se passe quand on mélange tout : sa charge de ministre et la course
aux présidentielles 2007 ! Voilà ce qui arrive, quand on emploie
publiquement, alors que l’on est garant de la sécurité républicaine, un
vocabulaire indigne de sa charge.
Dans une
situation qui appelait calme, sang froid, réflexion, responsabilité, la parole
médiatrice qui fonde l’humanité doit être posée et être médiation.
L’utilisation politique de la mort est
indigne d’où qu’elle vienne
Que la
presse "responsable", qui devrait servir de tiers, arrête la
surenchère et fasse son boulot d’investigation en cessant de servir de caisse
de résonnance à Sarkozy et aux casseurs grâce auxquels il existe ! Car
"le ventre est encore fécond dont est sorti la bête immonde"...
Hélas !
Ces
témoignages de collègues ne sauraient se substituer à une analyse de la
situation dans les banlieues. Ils se proposent juste de livrer leur ressenti
face aux graves évènements qui se déroulent dans ce département.
C’est
l’Aïd, les gâteaux, le couscous, les bisous, un cadeau pour Anys par ses
oncles... et le soir en partant, cinq jeunes avec des coktail molotov qui
tournent autour des voitures au pied de l’immeuble, Kader et Omar les font
partir, mais pour où ? Les CRS et les policiers tournent, à pied, en voiture,
des jeunes sont dehors, certains sans doute prêt pour une nouvelle nuit de
violence, d’autres pour les dissuader, les faire rentrer chez eux, aller
chercher leurs parents pour les faire rentrer...
les
discussions sont parfois âpres, ailleurs amères (les bus de nuit ne
desserviront pas l’aéroport cette nuit, perturbations sur le RER demain,
comment va-t-on aller au travail ?).
Sur
l’autoroute, ça sent la fumée à hauteur d’Aulnay, les parkings de PSA sont
passés au peigne fin par des camionnettes, les voitures d’ici sont bien
protégées, à hauteur de Blanc-Mesnil, fumée épaisse jusqu’au dessus de
l’autoroute, rien de bien réjouissant.
Bonne
nuit.
Catherine
Après une nuit difficile, j’ai trouvé des
élèves exténués
Les nuits
sont agitées à Noisy, les propos insultants des politiques ne tombent pas chez
des sourds, qu’il s’agisse de Sarko ou de Villiers, les élèves se sentent
visés, ils sentent que le stigmates 93 va être encore plus épais et gluant à
l’issue de cette période.
Bref
pendant les deux premières heures de la matinée et à l’occasion d’un travail
autonome sur le net (les règles électorales...) ils travaillent mais en parlent
beaucoup aussi. Cette après-midi, alors qu’ils n’osent pas signer eux-mêmes les
courriers pour demander des visites et des subventions pour que le voyage à
Strasbourg puisse avoir lieu pour tous, Rachel leur dit qu’ils doivent signer
en leur nom, qu’ils sont aussi légitime que nous à le faire, et Adil :
"ouais, citoyen de seconde zone de toute façon"...
Et en
sortant du bahut à midi, dans les commerce alentours les gens sont aussi
fatigués. Ce soir des jeunes, extérieurs au lycée ont répandu de l’alcool à
brûler dans les couloirs du troisième étage du bahut (à côté des salles de
physique) ils ont détalé quand un collègue a ouvert la porte de sa salle.
Enfin sur
la route du retour à la maison, les pompiers en sens inverse direction Noisy et
les gendarmes du fort de Rosny qui partent se mettre en place... on verra
demain.
Ce qui est
certain c’est que la reprise est dure pour tout le monde,mais que
l’administration continue son bonhomme de chemin : collège et lycée = un
seul établissement, donc seulement trois EVS pour tout le monde contre les 6
promis par Madame Leloup ("nous ne mélangerons pas collège et lycée, ce
n’est pas parce qu’on donne au lycée qu’on ne donnera pas au collège")
bref, encore de belles heures en perspective pour obtenir de quoi tourner un
peu.
Et les
élèves travaillent, l’établissement est calme, mais à part ça "les
jeunes" posent problème, ou encore il y a les "vrais jeunes" et
les autres !!!"
Catherine
Au Blanc-Mesnil, je ne savais pas trop ce
que j’allais trouver
De fait,
les collégiens ne se sentent pas autant concernés que n’en ont l’air les élèves
de Catherine.
Mais les
cours vendredi se sont déroulés dans l’odeur de fumée : l’usine face au
collège se consumait depuis la nuit (le collège est dans la zone industrielle).
Intervention
des pompiers toute la journée... et des caméras ! C’est ça qui a excité
les élèves quand ils les ont aperçues ! Juste à midi, au moment de la
sortie des cours... Comme si les télés avaient besoin de filmer ça...
Je sais
qu’un collègue d’histoire a discuté de la situation avec une de mes classes de
5ème. J’ai fait pareil avec l’autre classe de 5° : ils m’ont raconté le
gymnase en cendres, les sirènes de pompiers la nuit, la voiture d’une élève
calcinée. Mais c’est moi qui leur ai dit qu’ils devraient "se battre"
pour montrer une autre image des jeunes du 93. Ils n’en sont pas vraiment
conscients... Le collège a été attaqué aussi : ils ont essayé de forcer la
porte d’entrée, ont fait brûler l’ordinateur de la loge. La gardienne et ses
enfants ont été évacués la nuit. La loge était vide vendredi.
A priori,
tous les collègues qui prennent le RER ont pu venir.
Drôle
d’ambiance tout-de-même. Traces de voitures brûlées tout au long de la rue. Le
ciel était blanc (à cause des fumées). Les élèves m’ont dit qu’ils se croyaient
en hiver, quand il neige ! Ils sont poètes, les élèves !
On verra
lundi !
Isabelle
C’était calme à Aubervilliers, jusqu’à
cette nuit
Un centre
commercial en flamme, deux cars de CRS passent la nuit devant le lycée. Ce
matin je regarde par la fenêtre de ma salle. Dans la paleur jaune de l’aurore,
une colonne de fumée s’élève de la Courneuve endormie, curieux et un peu
irréel...
Martin